Dans un futur proche, pour ne pas dire demain, une mystérieuse maladie crée des mutations dans la population, transformant lentement les victimes en créatures mi-humaines mi-animales. Apparue deux ans auparavant quand commence le film, celle-ci fait déjà partie du quotidien, bien qu’elle reste une source de profonde angoisse pour toutes et tous. Nous suivons le jeune Émile – dont la mère est infectée et placée dans un centre spécialisé du sud de la France – et son père François, alors qu’ils tentent de construire leur vie dans une constante incertitude. Le geste est risqué, le résultat stupéfiant : Le Règne animal de Thomas Cailley est sans doute le premier choc de de ce 76e festival de Cannes (dont il ouvre avec panache la sélection Un Certain Regard). D’une sincérité et d’une originalité admirables, l’édifice commence assez malicieusement comme une série B teen-fantastique façon Netflix, pour mieux laisser jaillir, dans la seconde partie, sa véritable identité : celle d’une parabole humaine et existentielle. La place de l’Homme dans la Nature, et son avenir, y sont interrogés avec autant de drôlerie que de grandeur : il y a quelque chose de Miyazaki et de Bong Joon-ho dans la manière dont Cailley pense sa dramaturgie, ne s’enfermant jamais dans un seul ton, un seul registre, un seul aspect. On en vient, assez étrangement, à oublier la dimension éminemment fantastique de la maladie, tant la proposition et son incarnation dans le film sont convaincantes. Frontaux ou dissimulés dans les feuillages, les effets spéciaux sont à ce titre parfaitement maîtrisés – la mise en scène tirant parti du caractère limité du budget. Nombreux ont dû être les obstacles devant cette production française, faisons-lui donc un triomphe en salles le 4 octobre prochain.
Jérémie ORO