EN SALLES ACTUELLEMENT : «NERVE » : LA CRITIQUE

vendredi 26 août 2016

 

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4 étoiles (excellent) USA. 2016. Réal.: Ariel Schulman, Henry Joost. Une lycéenne se retrouve plongée dans un dangereux jeu en ligne. Bientôt ses moindres faits et gestes sont observés et manipulés par une communauté… Dans Nerve, Henry Joost et Ariel Schulman (Paranormal Activity 3 & 4) traitent avec tendresse plutôt que condescendance la «génération Y», […]

4 étoiles (excellent)

USA. 2016. Réal.: Ariel Schulman, Henry Joost.

Une lycéenne se retrouve plongée dans un dangereux jeu en ligne. Bientôt ses moindres faits et gestes sont observés et manipulés par une communauté…

Dans Nerve, Henry Joost et Ariel Schulman (Paranormal Activity 3 & 4) traitent avec tendresse plutôt que condescendance la «génération Y», rivée à ses téléphones et accro aux réseaux sociaux. C`est ainsi qu`ils dotent leur métrage, à la manière de The Breakfast Club pour les années quatre-vingt, d`un formidable potentiel générationnel. À l’instar du film de John Hughes, Nerve montre une jeunesse perdue, incapable de communiquer avec ses aînés et indécise quant à son avenir. Adapté à notre époque, ce portrait de l`adolescence se déplace sur le plan des interfaces web et du large éventail d`outils multimédias qui font désormais partie de notre vie. Les personnages de l`excellent roman de Jeanne Ryan sont retranscrits à la perfection, chacun possédant des motivations claires et cohérentes allant de la peur d`être spectatrice de sa propre vie pour Vee (Emma Roberts) à la quête maladive de popularité pour sa meilleure amie (la géniale Emily Meade). Jessica Sharzer s`amuse dans son scénario à déplacer et amplifier toutes les dérives du web telles que le voyeurisme, la jalousie et le problème de la protection de la vie privée sur internet à l`échelle d`une ville entière. À un rythme effréné, le duo formé par Emma Roberts et Dave Franco quadrille un New York électrique, développant une complicité qui fonctionne à merveille à l`écran. Baignée de néons multicolores, la ville se transforme en un plateau de jeu immense où chaque nouveau défi est le prétexte à d`incroyables moments de tension, Joost et Schulman parvenant à faire monter le suspense graduellement au rythme des challenges de plus en plus dangereux qu`ils sont sommés d`accomplir. La réalisation est astucieuse, les cinéastes s`amusant ainsi à distiller les sons et couleurs des applications-phares d`Apple et Windows. La cohérence de leur démarche est telle qu`ils se permettent de réemployer de véritables vidéos parues sur Youtube ayant amassé des millions de vues pour illustrer leur propos sur la dangerosité des paris que se lancent les internautes. À travers le jeu fictionnel qu`ils mettent en scène, ils parviennent à dévoiler la face cachée des réseaux sociaux, entre incitations au suicide et célébrité d`un soir. Nerve montre comment, à l`image du récent Unfriended, les outils multimédias peuvent se retourner contre leurs propriétaires. Très vite faits prisonniers d`une machination infernale renvoyant autant au système implacable du «Procès» de Kafka vu par Orson Welles qu`à The Game de David Fincher, nos deux héros sont seuls contre tous. D`abord légère, l’ambiance devient alors plus sombre jusqu`à dépeindre un véritable chaos urbain où chaque rue semble être investie par un joueur de Nerve, armé de son téléphone en mode caméra, scrutant anonymement leur calvaire. Suivant à point nommé la sortie de l`application «Pokemon Go» qui voit des hordes d`utilisateurs parcourir les rues à la recherche de nouveaux items, Nerve se montre aussi divertissant qu`il peut se faire doux-amer, pesant le pour et le contre de la révolution internet. Jouant avec une BO branchée et des acteurs à la mode, Joost et Schulman relèvent le pari risqué de s`adresser principalement à la génération qu`ils mettent en scène et critiquent. Ils proposent ici un divertissement de qualité, drôle et tendu, qui fait le portrait à la fois touchant et terrifiant d`une jeunesse recluse sur elle-même et surconnectée. Un coup de maître !

Loris HANTZIS