Avec la disparition de Dennis Hopper, que l`on savait atteint d`un cancer depuis plusieurs mois et qui était apparu pour la dernière fois en public en mars dernier, fortement émacié pour l`inauguration officielle de son étoile sur le Walk of Fame à Los Angeles, c`est tout un pan symbolique d`Hollywood que l`on évoque aujourd`hui au passé. Artiste total, personnalité exubérante, Hopper débute auprès de son ami James Dean dans « La Fureur de Vivre » et « Géant », titres qui lui correspondent parfaitement. Son caractère bagarreur fait merveille dans quelques westerns mais sa sensibilité à fleur de peau (le décès tragique de James Dean le ravagea) alimente une réputation d`instabilité chronique qui lui vaut d`être chassé des plateaux. Commence alors pour lui une traversée du désert qu`il met à profit pour fréquenter l`Actor` Studio et élargir la palette de ses talents entre peinture et photographie (ses portraits de la marche pour les Droits Civiques de Martin Luther King ont désormais valeur historique). À la fin des années 60, l`aventure d`Easy Rider le catapulte au rang des cinéastes d`exception, inventant en quelque sorte un genre à part entière, le road movie, aux côtés de ses amis Peter Fonda et Jack Nicholson. Entraîné dans la spirale psychédélique des seventies, Hopper sombre dans les pires excès (drogues et alcools en tous genres), se décrivant rétrospectivement comme un miraculé (cf. ses interviews dans les excellents ouvrages de Peter Biskind consacrés au Nouvel Hollywood) puisque ayant survécu à des trips violents où substances illicites et armes à feu faisaient bon ménage. Apparemment assagi (bien qu`il défraie ponctuellement la chronique des gazettes à scandales), sa carrière connaît un second souffle quand il devient dans les années 80 un bad guy en puissance, utilisé à bon escient par David Lynch (Blue Velvet). Enfin conscient de son potentiel artistique, il enchaîne les projets derrière la caméra (Out of the Blue ressorti récemment chez Bach Films, Hot Spot superbe hommage au film noir et surtout le génial Colors avec Sean Penn et Robert Duvall), tout en devenant l`un des méchants les plus côtés de sa génération, magnifique Némésis dans Speed ou adversaire déjanté de Kevin Costner dans Waterworld. Tarantino et Tony Scott l`utilisent à contre emploi dans un face à face mémorable avec Chris Walken dans True Romance, tandis qu`il enchaîne les rôles avec une rare boulimie, que ce soit au cinéma ou à la télévision («24 Heures»). Aussi à l`aise chez Coppola (Apocalypse Now), Wenders ou Peckinpah, il fréquente régulièrement le fantastique (Massacre à la Tronçonneuse 2 de Tobe Hooper, Land of the Dead de Romero). Républicain convaincu bien que fervent supporter d`Obama, Dennis Hopper et son pénétrant regard d`acier était un être ambivalent, complexe, extrême et extrêmement attachant, de ces artistes d`exception qui ont fait de leur existence un film «bigger than life».
Sébastien Socias