Pionnier de l’horreur transpyrénéenne moderne, Narciso « Chicho » Ibáñez Serrador est décédé le 7 juin à Madrid à l’âge de 83 ans. Bien qu’il n’ait tourné que deux longs-métrages, ils ont marqué un tournant à leur époque, à savoir La Résidence (1970) et Les Révoltés de l’an 2 000 (1976), anticipant la montée en puissance des « auteurs » fantastiques de haut niveau de l’autre côté des Pyrénées et contribuant à faire évoluer le médium. Deux œuvres dont les qualités esthétiques, psychologiques et humanistes se démarquaient au sein de la production internationale. En Espagne, il était également réputé pour son travail à la télévision via des émissions telles que « Un, dos, tres… respoonda otra vez », plus grand jeu télévisé ibérique en son temps, ainsi que la légendaire série d’horreur « Historias para no dormir » (1966). En février dernier, l’Académie locale l’a honoré d’un Goya d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Un prix qui lui fut présenté par Alejandro Amenábar (Les Autres), J.A. Bayona (L’Orphelinat), Jaume Balagueró et Paco Plaza ([REC]), Rodrigo Cortés (Buried), Alex de la Iglesia (Le Jour de la Bête), Juan Carlos Fresnadillo (28 semaines plus tard) et Nacho Vigalondo (Colossal) – une indication de l’influence considérable qu’Ibañez a exercée sur l’une des générations de genre les plus talentueuses d’Europe. « Une figure capitale de notre cinéma est partie. Maître et enseignant, il a filmé une paire de chefs-d’œuvre et nous avons hérité de son amour pour les grands classiques de la terreur. Merci pour les éclats de rire, les frissons, les larmes et les leçons de cinéma” a déclaré Bayona. Cinéaste hispano-uruguayen Narciso Ibanez Serrador était né le 4 juillet 1935 à Montevideo, influencé dès le plus jeune âge par le monde du théâtre, son père, Narciso Ibanez Menta, étant metteur en scène de théâtre espagnol, pionnier du fantastique en Argentine, avec, dès 1959, des séries d’horreur télévisées telles « Obras maestras del terror » codirigé avec Enrique Carreras, tandis que sa mère était l’actrice argentine Pepita Serrador (Todo el ano es Navidad, mêlant comédie, drame et fantastique). Narciso a passé son enfance en Amérique Latine à accompagner ses parents lors de leurs tournées. En 1947, il s’installe en Espagne et travaille avec la compagnie de théâtre de sa mère, débutant en 1951 comme comédien, écrivant de nombreuses œuvres pour la radio. En 1963, il fait ses premiers pas à la télévision ibérique. La Résidence, précurseur de Suspiria, et dans la lignée des Innocents de Jack Clayton, est un simili-giallo aux lisières du fantastique, aux coups de théâtre hitchcockiens et magnifiquement photographié. Reprenant la trame principale d’une pièce de théâtre germanique adaptée deux fois à l’écran sous le titre Jeunes filles en uniformes, le film se déroule dans un pensionnat perdu en pleine campagne française, au début du siècle dernier, où de jeunes filles sont éduquées à la baguette. Un climat tendu où des pensionnaires ont disparu. Mais sont-elles vraiment parties ? Cruelle et sensuelle, une œuvre étonnante. Les Révoltés de l’an 2000 (dont le titre original est « Qui peut tuer un enfant ? ») n’est pas moins surprenant. Des enfants ont décidé de ne plus endurer les violences que les humains font subir au monde et dont ils sont les premières victimes, se vengeant en assassinant les adultes. Un couple de touristes anglais débarquant sur une petite ile paisible va découvrir un village comme abandonné, tout juste occupé par de mystérieux enfants mutiques… Film-choc, violente critique de la société des adultes, plaçant dès le début le spectateur dans un sentiment d’inconfort, fut interdit dans certains pays telles l’Islande et la Finlande.