LA CRITIQUE DE « DEADPOOL » (voir ci-dessous)

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mardi 9 février 2016

 

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NOTRE CRITIQUE : DEADPOOL **** Alors que les films de super-héros peinent à se renouveler ces derniers temps, la faute sans doute à la quête d`une trop grande unité autour des Avengers, d`une part et les reboots d`autre part (Spider-Man, Man of Steel…), sans parler des cuisants échecs comme Les 4 Fantastiques, on n`a que […]

NOTRE CRITIQUE :

DEADPOOL

****

Alors que les films de super-héros peinent à se renouveler ces derniers temps, la faute sans doute à la quête d`une trop grande unité autour des Avengers, d`une part et les reboots d`autre part (Spider-Man, Man of Steel…), sans parler des cuisants échecs comme Les 4 Fantastiques, on n`a que rarement l`occasion d`être – agréablement – surpris devant les aventures de surhommes en costume, à l`exception bien sûr de Kick-Ass et, dans une moindre mesure, d`Ant-Man. En attendant d`aller explorer les univers oniriques avec Dr Strange, Ryan Reynolds nous invite tout de suite à découvrir un monde plus terre-à-terre où l`on saigne, où l`on souffre, où l`on jure et où la violence répond à la violence. Mais pour une fois, les coups les plus rudes sont portés à l`image des super-héros, dans ce qui s`apparente à une comédie parodique se moquant allègrement de ce qu`elle donne à voir. En ce sens, Tim Miller et Ryan Reynolds mordent un peu la main qui les nourrit, mais le second a suffisamment souffert de ses précédentes incursions dans un costume – qu`il soit rouge ou vert – pour savoir à quel point la vie d`un super justicier peut être cruelle.
La vraie différence que marque Deadpool par rapport aux précédentes adaptations de comics est qu`il embrasse pleinement, sans aucune retenue ni fausse pudeur le matériau original. Deadpool est un « bad guy » qui ne respecte rien, le long-métrage fera de même. Loin de la relative méchanceté qui avait plombé Spawn (en plus d`effets visuels discutables), ou quelque peu douché les espérances des amateurs de Wolverine, Deadpool adopte le registre visuel d`un film d`action ultraviolent, flirtant parfois avec le l`horreur, pour des séquences de combat extrêmement sanglantes inédites dans le genre très codifié des adaptations de super-héros. Là encore, seul Kick-Ass peut se targuer d`être allé aussi loin. Cependant, Deadpool ne se contente pas de faire couler le sang à flot et d`empiler les cadavres comme dans les années 80, il fait aussi un doigt d`honneur, brandi bien haut, à la bienséance la plus élémentaire. Vulgaire, sale, potache, régressif, grossier, choquant, scatologique, obscène… Rien ne nous est épargné, à l`image de la bande-annonce « Red Band » qui annonçait clairement la couleur ! Deadpool lance ses vannes plus vite qu`il ne dégaine (et il est plus agressif qu`un militant de la NRA), et la plupart font mouche. Ultra-référentiel, le film lance des clins d`œil à tout va, cite à tour de bras, et moque jusqu`aux conventions mêmes du cinéma (le 4e mur hérité du théâtre et qu`il ne faut pas casser). C`est peut-être la limite de l`exercice, que l`on peut trouver trop systématique pour ne pas trahir une démarche purement commerciale. Mais c`est bien la seule.
Et commercial, le film sait l`être dans le bon sens du terme, c`est-à-dire dans sa volonté de satisfaire un public venu chercher un divertissement efficace réservant quelques surprises bienvenues. Deadpool poursuit donc son ennemi mortel – Ajax, super-héros dépourvu de sensations physiques et d`émotion, qui torture des « candidats » pour faire exprimer leurs mutations génétiques dormantes afin de créer une armée de super-esclaves –, croise quelques collègues (en l`occurrence, Colossus et Negasonic Teenage Warhead) venus en renfort et sauve sa bien-aimée à défaut du monde. Rien de bien nouveau dans le canevas, donc, calqué sur l`ensemble des films du genre, mais cela fonctionne grâce au bagou de son acteur principal.
Après The Voices, il semble en effet évident que Ryan Reynolds n`est jamais meilleur que lorsqu`il incarne un méchant schizophrène, un sale type attachant, un bad guy ayant des principes. Il a ici un rythme parfait, rappelant les grandes heures d`Eddie Murphy dans Le Flic de Beverly Hills, personnage qui ne sait pas se taire, et qui affronte, comme Mel Gibson dans L`Arme fatale, le destin le plus noir avec un humour qui l`est davantage encore. La leçon à retenir dans tout cela, esquissée par Les Gardiens de la galaxie ou Ant-Man, est qu`il faut changer de registre au sein d`un même genre pour ne pas ressasser les mêmes images, en se contentant de plus grosses explosions afin de ne pas lasser les spectateurs, et que toute pointe d`originalité est la bienvenue, surtout au cœur d`une intrigue codifiée et prévisible.

Yann LEBECQUE