C’était une véritable gageure que de tenter d’adapter la série de jeux vidéo à succès « Assassin’s Creed » au cinéma, tant l’univers en est à la fois riche et violent, alliant Histoire et action, au risque de donner naissance à l’une de ces productions boursouflées qu’on préfère oublier. S’il retrouve Michael Fassbender et Marion Cotillard après « Macbet »h, Justin Kurzel renoue également avec son goût prononcé pour la grandiloquence, le spectaculaire, la morbidité et les ténèbres de l’âme. Autant d’éléments qui forgent justement l’esprit de la saga de jeux vidéo « Assassin’s Creed », où l’action se déroule à la fois dans un futur proche et parallèle, et dans un passé historique librement revisité – ici, l’Espagne du XVe siècle. La première partie du film est intelligemment écrite par les trois scénaristes, Michael Lesslie (« Macbeth), Adam Cooper et Bill Collage (« Exodus ») qui, avec un parfait sens de la synthèse, parviennent à résumer la complexité de la saga – époques différentes, fonctionnement de l’Animus, rôle des Templiers et Assassins – en quelques séquences qui ne sont jamais bavardes. Le réalisateur retrouve également nombre d’autres collaborateurs de « MacBeth », dont Jed Kurzel, son frère, qui compose une bande originale époustouflante apportant toute l’ampleur nécessaire aux extraordinaires scènes de combat et d’action, faite de percussions guerrières et d’emprunts arabo-hispaniques du meilleur effet.
Pour autant, « Assassin’s Creed » ne se résume pas à une série de moments spectaculaires, et Justin Kurzel sait, à raison, pouvoir compter sur son acteur principal, Michael Fassbender, mâchoire serrée et regard d’acier incarnant avec son charisme habituel un personnage sur le fil, condamné à mort pour meurtre, métamorphosé en tueur virtuel afin de servir des intérêts qui le dépassent. Les thèmes sont clairement indiqués dès l’ouverture du film, qui présente les Assassins comme des soldats ayant choisi la violence comme un mal nécessaire pour garantir sa liberté à l’humanité. On y voit d’évidents parallèles avec la société actuelle, les appels à la désobéissance civile, les dérives de la religion qui tente d’imposer une vision unique de la morale, et le manque de réflexion d’une part de la population qui se laisse manipuler par le discours dominant. On regrette à cet égard le peu de profondeur psychologique des personnages, pour la plupart archétypaux, y compris Marion Cotillard qui n’a guère matière à offrir une interprétation flamboyante. Mais ce petit défaut est vite emporté par la furie des images, la folie des séquences de cascades orchestrées par Ben Cook (« Prince of Persia », « Blanche Neige et le Chasseur », « Jupiter Ascending »), qui nous offre des images à faire tourner la tête, ancrant les acteurs dans des décors en grande partie virtuels. Pensé comme un moyen d’étendre l’audience des jeux vidéo, « Assassin’s Creed » s’impose au final comme le premier opus d’une franchise appelée à durer.
Yann Lebecque