Piers Haggard (1939-2023)

jeudi 19 janvier 2023

 

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Le réalisateur anglais Piers Haggard (1939-2023) vient de nous quitter., à l’âge de 83 ans.

 

Piers Haggard nait, en 1939, dans une famille d’artistes. Son père, Stephen, est un poète apparu dans quelques longs-métrages (dont La taverne de la Jamaïque d’Alfred Hithcock). Son grand-oncle, Henry Rider Haggard, est le créateur d’Alan Quartermain, héros de romans d’aventures exotiques portés à l’écran à maintes reprises.

La carrière de Piers Haggard débute au théâtre en 1960 et, trois ans plus tard, il rejoint le prestigieux Théâtre National fondé par Sir Laurence Olivier. Il assiste ce-dernier, tout comme Franco Zeffirelli pendant quelques années. En 1965, la BBC l’engage pour travailler sur de nombreuses séries comme « The Rivals of Sherlock Holmes« . Après le drame Wedding Night (un échec commercial), Haggard réalise son œuvre la plus célébrée, La nuit des maléfices, produite par la Tigon. Situé dans l’Angleterres rurale du XVIIe siècle, le film confronte un juge cultivé (Patrick Wymark) à une congrégation de prêtresses de Satan, corrompues et dangereuses. À l’origine prévu sous la forme d’une anthologie horrifique aux histoires indépendantes, le scénario est révisé en une intrigue unique dans la lignée du Grand Inquisiteur. Haggard y développe un climat dépressif, use d’une photographie aux teintes estompées et propose une reconstitution historique convaincante malgré un budget restreint. Servi par une splendide bande originale et des comédiens convaincants, notamment Linda Hayden (Une messe pour Dracula) qui, possédée, séduit un révérend dans une scène érotique mémorable, La nuit des maléfices s’impose comme un classique. Devenu culte, ce bel exemple de ce fantastique pastoral lié aux croyances et superstitions agrestes, par la suite dénommé « folk horror », reste le chef-d’œuvre de Piers Haggard.

 

Pour son retour à la télévision, le metteur en scène livre un drame en costume, « The Love School » (1975) puis un musical en six épisodes, « Pennies from Heaven » (1978), récompensé par un BAFTA, le prix le plus prestigieux de la télévision britannique. L’année suivante, Haggard réalise The Quatermass Conclusion en deux versions, l’une destinée aux petits écrans (en quatre parties d’une heure), l’autre condensée en 100 minutes pour les salles obscures. Nigel Keale, concepteur du célèbre savant, rédige le scénario de ce quatrième opus et le cinéaste s’empare du sujet, décrit comme « une affirmation de l’importance des gens ordinaires et de la nécessité de combattre le Mal« . Avec son culte druidique et sa conclusion pessimiste, The Quatermass Conclusion annonce le sous-estimé Halloween III, également scénarisé par Keale. Si cet ultime volet ne peut se mesurer aux productions Hammer antérieures, The Quatermass Conclusion reste un agréable film de science-fiction paranoïaque. En 1980, Le Complot diabolique du Dr Fu Manchu ressuscite, sous forme parodique, le génie criminel de Sax Rohmer. Peter Sellers (qui décéda avant la sortie du film) y campe Fu Manchu mais également son adversaire, Nayland Smith. Produite par Playboy, cette comédie fantastique fut un cuisant échec critique et commercial. Une expérience amère pour le cinéaste: « Ce ne fut absolument pas plaisant. À la fin du tournage, Sellers exigea mon départ sous peine de quitter le plateau. Donc on m’a viré et Sellers a dirigé la fin du métrage, pendant une semaine. Ce fut un désastre du début à la fin« .

 

L’année suivante, Haggard remplace Tobe Hooper sur Venin et compose à nouveau avec des comédiens compliqués: « Oliver Reed cherchait constamment à me tester mais possédait le sens de l’humour et se montrait chaleureux. Il était difficile mais ça restait un jeu tandis que Klaus Kinski posait vraiment des problèmes. C’est un fabuleux acteur mais il ne s’entendait pas avec Reed et leur duo ne fonctionnait pas. Leurs chamailleries perpétuelles n’ont rien à voir avec l’Art. Ce ne fut pas une période très heureuse« . Pour le spectateur, Venin demeure cependant plus agréable. Cette bonne série B mélange adéquatement les codes du thriller aux conventions de l’épouvante grâce à la présence d’un redoutable mamba noir. Une œuvrette très estimable. Par la suite, Haggard dirigea le drame A Summer Story (1988), le western humoristique Four Eyes and Six Guns (1992) et la romance Conquest (1998) et enfin la mini-série «The Shell Seekers» (2006). Il nous a quittés le 13 janvier 2023.

 

 

Frédéric PIZZOFERRATO