SUPER MARIO BROS. LE FILM ***
(The Super Mario Bros. Movie) U.S.A./Japon. 2023. Réal.: Aaron Horvath, Michael Jelenic.
Il y a eu près de deux fois plus de jeux Mario que d’années depuis la première apparition solo du personnage en 1985. Véritable chapelle vidéoludique, la franchise créée par le pape du jeu de plateforme Shigeru Miyamoto (qui officie en tant que producteur) a longtemps attendu une adaptation animée digne de ce nom sur grand écran. Quiconque est familier avec l’univers féérique et l’action constante de Super Mario connaissait le potentiel inouï d’un tel projet si celui-ci parvenait à faire resurgir à la fois son identité visuelle florissante et la sensation de vitesse et de technique (les fameux «skills») procurée par son gameplay (entendre «la façon dont il se joue», oui, le jeu-vidéo est plein d’anglicismes). Verdict ? S’il parvient à parfaitement restituer l’esthétique si colorée du monde du plombier moustachu à travers une narration inédite et bien amenée, Super Mario Bros. Le film manque de folie et passe à côté de l’occasion d’être l’adaptation rêvée des jeux en tant que tels.
Difficile, dans le cas d’un objet aussi culte et profondément ancré dans l’imaginaire collectif que Super Mario, de juger le film uniquement pour ce qu’il est, sans imaginer ce qu’il aurait pu être. En effet, à première vue, tout y est : 90 minutes d’aventure menées tambours battants aux côtés de Mario, Toad et de la princesse Peach, qui tentent de sauver Luigi et le Royaume Champignon des griffes du terrible Bowser. À l’histoire minimaliste du jeu ont même été ajoutés des éléments de contexte pour rendre le tout plus cinématographique : alors que les deux frères, vivant dans notre monde, essaient tant bien que mal de se lancer dans la plomberie, ils sont soudain aspirés par un tuyau les menant dans un monde souterrain en péril (le monde du jeu, donc). Mais bien qu’indéniablement nécessaire et bienvenue, cette situation initiale, trop longue, est symptomatique du principal défaut du long-métrage : le délaissement du jeu. Super Mario Bros. Le film est une œuvre honnête se déroulant dans l’univers de Mario, pas une bonne retranscription de «l’expérience Mario». Est pourtant reproduite presque à l’identique une séquence de tutoriel, où le personnage apprend comment fonctionnent les plateformes et les power-up (items conférant un pouvoir spécifique), qui suggère l’existence de différents «niveaux» dans ce monde, mais celle-ci ne débouchera sur quasiment rien, tant le film oublie en cours de route de lui donner une saveur et une utilité. Les sensations de mouvement et progression, si essentiels à l’expérience ludique, sont passées sous silence (à l’image de ce clip show montrant rapidement et en musique les personnages avancer de monde en monde, sans jamais explorer quels nouveaux obstacles, ennemis et mécaniques ceux-ci peuvent comporter), le film s’arrêtant plutôt sur des digressions et dialogues statiques, quelque peu redondants. On aurait rêvé de voir par exemple, en un plan-séquence, Mario terminer un niveau entier, à la place d’un de ces trop nombreux moments où Bowser chante seul devant son piano… De manière générale, Super Mario Bros. est déséquilibré entre l’important et l’anecdotique, préférant souvent montrer ce qui pourrait se passer entre deux sessions de jeu (à la manière de cinématiques), plutôt que de véritablement mettre en scène ces dernières. Il n’en demeure pas moins que certaines idées originales sont maîtrisées (l’utilisation habile des karts, le combat contre Donkey Kong), et permettent au film de s’imposer malgré ses défauts comme une proposition alternative réussie.
Jérémie ORO