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U.S.A./Grande-Bretagne, 2023. Réal.: Gareth Edwards.
SORTIE : 27 SEPTEMBRE 2023
Grâce à deux blockbusters de franchises au sein desquels il a réussi l’exploit d’imposer un certain style, voire, pour le premier, une vraie patte de mise en scène (Godzilla en 2014 et Rogue One : A Star Wars Story en 2016), Gareth Edwards revient sur le devant de la scène avec une originale et ambitieuse fresque de SF sur le thème de l’intelligence artificielle. En 2070, après qu’une catastrophe nucléaire a détruit une grande ville américaine, l’Occident mène une guerre contre les IA, jugées responsables du drame. Retranchées en Asie du Sud-Est sous la forme d’humanoïdes cybernétiques, celles-ci tentent de résister aux assauts de NOMAD, une gigantesque station spatiale conçue pour les anéantir. C’est alors que Joshua (John David Washington), soldat infiltré en Orient, découvre l’existence d’une nouvelle arme capable de détruire NOMAD, arme qui se présente à lui sous la forme d’une étrange fillette de 6 ans. Allons droit au but : The Creator est une franche réussite. Gareth Edwards offre un film de science-fiction à la fois gracieux, soigné et spectaculaire, dans le sillage du Dune de Denis Villeneuve, dont il partage le génial directeur de la photographie Greig Fraser et le compositeur légendaire Hans Zimmer. Visuellement et techniquement parfait, le film développe un univers très convaincant qui certes fonctionne beaucoup par citation (de Star Wars à Terminator en passant par Akira et le jeu vidéo Cyberpunk 2077), mais qui réussit à trouver une singularité en ceci qu’il fait des IA non pas les chasseurs mais les proies. C’est même là qu’il se joue : dans le brouillage permanent de la ligne séparant l’humanité de sa création, laquelle a son aspect, ses émotions, ses faiblesses et ses contradictions. Un postulat antimanichéen simple mais assez vertigineux, que matérialise la plus belle idée du métrage, résidant en une technologie de transfert des dernières secondes de conscience d’un individu mort dans un corps inanimé d’IA, afin de lui offrir un baroud d’honneur, un ultime instant de vie. Par ailleurs, le film ne lésine pas sur l’action et le spectaculaire. C’est même un euphémisme : The Creator est un geste de grande ampleur. Gareth Edwards déploie une vision du vaisseau spatial ainsi qu’un art de la détonation qu’on ne lui connaissait qu’à moitié. Vous pouvez oublier Oppenheimer, l’explosion la plus impressionnante de l’année est dans ce film. On regrettera donc simplement quelques longueurs et autres baisses de rythme ainsi qu’un léger déficit d’originalité dans le récit qui nous est proposé, lequel rejoue une nouvelle fois le mythe de l’Enfant avec un grand E, la lutte contre les machines, l’acceptation de la perte de l’être aimé… Des motifs un chouia fatigués qui jureraient presque avec l’impressionnante vitalité du film.
Jérémie ORO