THX 1138 ****
L’enfer blanc
Un univers répressif et souterrain où les humains ne sont que des numéros : sur ce sujet orwellien, un réalisateur de 25 ans réalisait, en 1969, une œuvre délibérément expérimentale devenue depuis cultissime. George Lucas était né, pour le destin que l’on sait.
Blanc. C’est l’unique couleur, ou plutôt l’unique absence de couleur qui baigne cette société sans nom, confinée sous l’écorce terrestre, régie par des ordinateurs, soumise à un dirigisme absolu, et dont les membres ne sont que des numéros à demi-décervelés. On ne saura jamais rien de la création de cet univers carcéral (à la suite de quel cataclysme ?) ni de sa finalité, ni même qui, exactement la dirige, puisque les seuls représentants de l’autorité sont des techniciens devant leurs écrans et des policiers sans visage, en collant noir et brandissant des bâtons électrifiant. Seul ingrédient romanesque venant bousculer un immobilisme qui n’aurait jamais dû s’interrompre : la révolte, à vraie dire purement instinctive et individuelle, d’un de ses membres, THX qui, après avoir connu la prison, parvient à fuir vers la surface où l’attend l’envers du monde et l’éclatement de la couleur – le rouge cramoisi d’un soleil couchant pareil à une explosion nucléaire et un ciel garni d’oiseaux fous. Sans véritable ascendants ni descendants, seulement des cousins plus ou moins lointains (Soleil vert, Bienvenue à Gattaca), le film, à l’origine un court-métrage d’un Lucas étudiant à l’USC, fut produit par Francis Ford Coppola et distribué en mars 71, mais sa carrière tourna court rapidement, les spectateurs restant ébahis devant un résultat qui ne ressemblait à rien de ce à quoi l’on s’attendait. Le futur rendrait raison à l’œuvre, d’une densité singulière, d’une cohérence absolue ne négligeant aucun détail (nivellement des citoyens au crâne rasé par le port obligé d’une tunique blanche, répression sexuelle, usage de drogues calmantes, aliénation par la télévision, existence d’une religion d’état manifestée par des confessionnels omniprésents surmontés de l’image d’un Christ très saint-sulpicien…), et d’une esthétique glaçante autant qu’irréprochable : pièces vides, couloirs lisses, halls si grands qu’on n’en voit pas les limites et si intensément lumineux que s’y dissolvent les silhouettes humaines. Autant d’indices d’un génie qui allait s’exercer de manière par la suite bien différente…
Jean-Pierre Andrevon
USA 1971 Réal et mont.: George Lucas. Scén.: Walter Murch et George Lucas, d’après une histoire de Georges Lucas. Prod.: Francis Sturhahn. Prod. ex.: Francis Ford Coppola. Photo : Dave Meyers, Albert Kihn. Mus.: Leo Schitrin. Dist. : Warner Bros. Dist.: Solaris Distribution. 1h35. Avec : Robert Duvall, Donald Pleasence, Maggie Mac Omie, Don Pedro, Ian Wolg, Sid Haig. SORTIE : 13 JUIN 2007.